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retour sur les 10 ans d’une saga mythique

The Last of Us, sorti le 14 juin 2013 sur PlayStation 3, a marqué une génération entière de joueurs, et fait toujours autant l’actualité dix ans plus tard. Retour sur une “success story” qui a fait de Naughty Dog un des meilleurs studios de développement de la planète gaming.

Vous rappelez-vous ce que vous faisiez il y a 10 ans ? Vous utilisiez peut-être votre iPhone 5 flambant neuf, vous attendiez fébrilement l’arrivée de la PlayStation 4 (ou de la Xbox One en dépit d’une présentation très mitigée). Vous veniez peut-être d’aller voir Iron Man 3 au cinéma, et vous demandiez quoi faire de votre Wii U et pourquoi vous l’aviez achetée. Surtout, l’heure était venue de faire vos adieux à la PlayStation 3. Elle avait mis du temps à reprendre le trône sur un marché dominé par la Xbox 360 pendant plusieurs années, avant d’enchaîner les exclusivités de haute volée. Parmi elles, The Last of Us, du studio Naughty Dog.

Last of Us

Attention spoilers !

Nous revenons ci-dessous sur l’histoire de la licence The Last of Us ainsi que sur le scénario des deux jeux et de son adaptation en tant que série TV. Ainsi, de nombreux spoilers sont à prévoir : assurez-vous donc de lire cet article en connaissance de cause !

Attention, chien méchant

S’il y a bien une équipe de développement qui a explosé à la face du monde durant l’ère des premières consoles HD (PS3 et Xbox 360), c’est Naughty Dog. Avec la trilogie Uncharted, les créateurs de Crash Bandicoot et de Jak & Daxter sont passés à la vitesse supérieure en établissant un nouveau standard en termes de réalisation. Les aventures de Nathan Drake, aventurier gaffeur au grand cœur, ont propulsé le studio dans une nouvelle dimension, surtout grâce au deuxième volet paru en 2009, Uncharted 2 : Among Thieves.

Uncharted 2
Uncharted 2

Un certain Neil Druckmann ne fut pas étranger à ce succès : arrivé à l’époque de la trilogie Jak & Daxter sur PlayStation 2 en tant que stagiaire aussi studieux qu’ambitieux, ce jeune programmeur devient rapidement game designer sur Uncharted : Drake’s Fortune (2007) et co-réalisateur d’un des titres les plus attendus de sa génération. Il ne travailla cependant pas sur le troisième épisode de la franchise, Naughty Dog étant alors divisé en deux équipes bien distinctes. Druckmann se vit confier, avec Bruce Straley, la direction de la seconde équipe en charge d’un autre projet, qui passa rapidement d’un reboot de Jak & Daxter (vite oublié) à une nouvelle licence inédite. Vous l’avez déjà compris, il s’agit de The Last of Us.

Celui qui s’apparentait initialement à un “Uncharted avec des zombies” fut annoncé en décembre 2011, et ne cessa de se dévoiler au cours de l’année et demi qui suivit. Il fut vaguement “teasé” dans la séquence d’introduction d’Uncharted 3 : L’Illusion de Drake, bien qu’il s’agisse en vérité d’un oubli rare de la part du studio : cet “easter egg” devait faire référence à une présentation de The Last of Us supposée être dévoilée avant la sortie d’Uncharted 3, mais qui fut finalement repoussée. Le clin d’œil aurait dû être retiré en conséquence, mais il est resté et les joueurs ne le comprendront que plusieurs semaines plus tard. En attendant, si les aperçus de la presse spécialisée étaient enthousiastes, rien ne préparait les joueurs du monde entier à la claque intemporelle que Naughty Dog avait prévu de leur coller le 14 juin 2013.

The Best of Us

En 2009, Uncharted 2 avait placé la barre démesurément haut. Si l’on se fie au célèbre agrégateur Metacritic, il est le 3ème jeu le mieux noté de l’histoire de la PS3, avec un score de 96/100, juste derrière… Grand Theft Auto IV (98) et V (97) ! Sans être décevant, Uncharted 3 s’était “contenté” d’un score de 92/100, et surtout, il semblait que The Last of Us avait pour principal objectif de refermer avec brio un chapitre un peu délicat de l’histoire de Sony, la PS3 s’étant beaucoup moins vendue que ses deux illustres aînées. Lorsque les critiques tombent, elles sont quasi unanimes : Naughty Dog a accouché d’un nouveau chef-d’œuvre, auréolé d’un 95/100 cette fois-ci, mais qui semble avoir infiniment plus marqué les esprits du côté de sa dimension narrative.

TLOU

Le nouveau jeu du studio californien est en effet vu par bon nombre de spécialistes – et par des joueurs qui confirmeront majoritairement cette impression – comme un “game changer”, un de ces titres rares comme on n’en voit que quelques-uns par génération de console. Une prouesse d’autant plus remarquable qu’il marqua de son empreinte une année 2013 qui fut pourtant celle de la sortie de Grand Theft Auto V !

La force d’un scénario

The Last of Us, c’est plus qu’un simple jeu vidéo : c’est avant tout une histoire, terriblement prenante et touchante, qui sert de fil conducteur à une aventure définie dans le jargon vidéoludique comme “story-driven”, à savoir mûe par sa narration. Si le titre de Naughty Dog est d’un réalisme déconcertant de beauté, et qu’il constitue indiscutablement le plus beau jeu vidéo de cette génération touchant à son crépuscule, il n’est pas qu’une sublime coquille vide, loin de là. Derrière ce jeu d’action-aventure, tapant autant dans le jeu de tir à la troisième personne que dans le survival-horror, se cache surtout une épopée extraordinaire : celle du “road trip” américain de Joel et Ellie, deux survivants d’une pandémie ayant ravagé l’humanité… et que rien n’aurait dû destiner à traverser ensemble d’est en ouest des États-Unis dévastés depuis deux décennies entières.

TLOU

Dans une séquence d’introduction forte en émotions, pour ne pas dire carrément déchirante (le protagoniste doit y voir sa fille adolescente mourir sous ses yeux), The Last of Us nous met dans la peau du héros malgré lui, brièvement incarné le jour où la pandémie s’est déclenchée. Fondu au noir, on est propulsé vingt ans plus tard. Joel Miller, la cinquantaine désormais bien tassée, survit tant bien que mal dans la zone de quarantaine de Boston, à des milliers de kilomètres de son Texas natal où sa vie s’est effondrée. Contrebandier de son état, voire carrément sale type n’hésitant pas à faire régner la loi du plus fort pour sauver sa peau, Joel est ce qu’on appelle un anti-héros, mais le traumatisme qu’il a vécu nous le rend attachant, et ce sentiment va évoluer à partir de sa rencontre avec la jeune Ellie, qu’il est chargé d’escorter en toute sécurité hors de la ville.

TLOU

En découvrant que Ellie a été mordue par un infecté mais qu’elle est immunisée, il prend conscience de l’importance capitale de cette gamine de 14 ans pour la survie de l’humanité, et se retrouve contraint et forcé de la conduire à l’autre bout du pays. Une relation père/fille surprenante se crée aussi difficilement qu’elle se développe, mais Naughty Dog prend le temps de la mettre en place et de la faire évoluer sans verser dans l’overdose de clichés. Sans fausse note, l’équipe de Neil Druckmann, scénariste considéré comme l’homme fort de la licence, nous amène petit à petit à une conclusion brillante, émouvante et presque surprenante, après une quinzaine d’heures de jeu oscillant entre poésie contemplative et violence brute, où le studio étale une maîtrise peu commune de son art.

Un combat pour l’égalité

Enchantée par une bande originale sublime, portée par la guitare acoustique de Gustavo Santaollala (vainqueur d’un Oscar en 2005 avec Le Secret de Brokeback Mountain), la narration subtile et mature de The Last of Us en fait quasi instantanément un classique du jeu vidéo, se concluant quasi à la perfection, au point de se demander si une suite peut véritablement s’imposer. Avant de répondre à cette question (Naughty Dog laissera planer le doute pendant 3 ans et demi), le jeu s’est offert en février 2014 un contenu additionnel (ou DLC) d’excellente facture :  Left Behind.

On ne l’imagine alors pas encore, mais ce DLC paru un jour de Saint-Valentin démarre en quelque sorte le second arc de l’univers The Last of Us, qui se focalise bien plus sur la jeune héroïne Ellie, bien moins fragile qu’elle n’y paraît, au détriment d’un Joel dont le véritable destin est encore bien loin d’être scellé. Jouant un peu plus la carte du romantisme et du non-dit, Left Behind permet de placer Ellie et Joel sur un pied d’égalité aux yeux des joueurs, mais la réalité est bien plus surprenante : le personnage le plus important de cet univers, c’est bien l’adolescente immunisée aux blagues navrantes et au courage sans égal. Naughty Dog avait d’ailleurs choisi de la mettre au premier plan de la jaquette du titre sur PS3, allant à l’encontre des recommandations de Sony qui estimait qu’il était vital de placer Joel en avant, ce qui aurait été plus vendeur. La suite, on la connaît.

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The Last of Us, partout

Fin 2016, après que Naughty Dog ait offert à la PlayStation 4 la conclusion idéale aux aventures de Nathan Drake avec un Uncharted 4 : A Thief’s End, il est l’heure de lever le voile sur le projet le plus ambitieux de l’histoire du studio. C’est le 3 décembre, lors de la PlayStation Experience, que The Last of Us Part II est annoncé, à travers une bande-annonce mémorable qui donne tout de suite le ton : Ellie est désormais une jeune adulte, marquée par des événements de toute évidence douloureux, et résolue à abattre quiconque se mettra en travers de son chemin.

Le deuxième trailer, dévoilé à la Paris Games Week 2017 près d’un an plus tard, le confirmera avec une violence rare : cette suite de The Last of Us sera très sombre, très dure, et on sent déjà qu’elle compte prendre de gros risques.

S’il était finalement évident qu’un titre aussi acclamé que The Last of Us aurait droit à un second épisode, personne n’imaginait que l’intention de Naughty Dog et (surtout) de Neil Druckmann était alors de déconstruire son propre mythe. En trois ans et demi, quatre trailers au total, un E3 (2018) et un seul “press tour” (en septembre 2019), jamais le studio n’a permis à qui que ce soit d’imaginer l’effroyable drame auquel les joueurs seraient confrontés après environ trois heures de jeu : The Last of Us Part II fait disparaître Joel dans d’atroces souffrances, massacré sous les yeux d’Ellie par un groupe aux motivations inconnues, mais qui permet d’identifier immédiatement une némésis : Abby Anderson.

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Alors que The Last of Us n’avait pas spécialement de “boss de fin” ni d’antagoniste principal, sa suite nous en sert directement un sur un plateau, mais pour mieux nous surprendre. Pendant une grosse dizaine d’heures, on incarne une Ellie mûe par une rage hors du commun, et qui se rend jusqu’à Seattle dans le seul et unique but de venger celui qui était devenu son père adoptif. Pourtant, elle était brouillée avec lui depuis qu’elle connaissait la vérité qu’il lui avait cachée des années durant : il avait empêché le groupe de scientifiques supposé travailler sur un vaccin de la sacrifier pour utiliser son immunité, en les abattant jusqu’au dernier pour sauver la vie de celle qu’il aimait désormais comme sa propre fille.

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A Neil Druckmann Game

On dit des grands jeux qu’ils portent en eux la signature de leurs créateurs, et si The Last of Us Part II en est un, il est effectivement très marqué de l’empreinte de Neil Druckmann. Tel un Hideo Kojima américain, celui qui a gravi tous les échelons de Naughty Dog jusqu’à en devenir co-président désirait mettre le joueur face à un “twist” monumental et imprévisible, au point de le mettre mal à l’aise : alors que l’on s’apprête à affronter enfin Abby, un flashback nous fait mieux comprendre les motivations de cette dernière. Le chirurgien que Joel a abattu à la fin de The Last of Us était le père de la jeune femme, qui a donc vengé sa mémoire en retrouvant et assassinant sauvagement le héros du premier opus. Non seulement on accepte difficilement cette réalité, mais que dire de la seconde partie du jeu qui nous fait désormais incarner Abby, et revivre les événements des trois précédents jours à travers un prisme radicalement opposé ?

Désireux de s’affranchir de toute forme de manichéisme, The Last of Us Part II démolit la notion de bien et de mal et lorsque l’on arrive au terme d’une aventure épuisante mentalement, on en vient à douter du statut d’héroïne d’une Ellie qui n’a plus que de la haine dans les yeux, au point de perdre tout ce qui lui restait dans ce monde dont elle aurait aimé ne plus faire partie pour le sauver. Infiniment plus long que son prédécesseur, ce second volet est une épreuve aux allures de chemin de croix, terriblement clivant, mais qui marque au fer rouge. S’il ne fait pas autant l’unanimité, la qualité indiscutable de sa réalisation (qui a clairement une génération d’avance, a fortiori lorsqu’on le revoit trois ans plus tard), couplée à l’audace de son propos d’ensemble, lui assure le précieux sésame dont Neil Druckmann rêvait : le titre prestigieux de Game of the Year 2020, clôturant la génération PS4 de manière idéale au moment où lui succède la PlayStation 5.

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Remake-moi si tu peux

Face à un titre d’une telle démesure, paru sept ans quasi jour pour jour après The Last of Us, et conçu avec un perfectionnisme sans doute abusif (comme de nombreuses grosses productions, The Last of Us Part II a vu ses équipes recourir au “crunch”, des heures supplémentaires en quantité déraisonnables), Naughty Dog a préféré de toute évidence en rester là. Aucun DLC solo n’a été rajouté à une aventure unique en son genre, mais qui se suffisait clairement à elle-même. Soucieux d’une certaine uniformité, les “Dogs” ont en revanche préféré offrir au jeu de 2013 un remake que certains ont jugé prématuré voire inutile, basé sur le moteur du second opus et à destination exclusivement de la PS5.

A lire aussi – Test de The Last of Us Part I sur PS5: un remake d’excellente facture pour le chef d’œuvre de Naughty Dog

En septembre 2022, lorsque The Last of Us Part I paraît, c’est avant tout à une bouffée de fraîcheur inattendue à laquelle on a le droit. Naughty Dog nous remet aux commandes d’un Joel qui nous avait manqué, et à qui les joueurs ont infiniment plus pardonné ses actes qu’une Ellie devenue l’incarnation humaine de la vengeance dans “Part II”. Ce fut aussi l’occasion d’admirer le travail d’orfèvre d’un studio décidément en avance sur son temps lorsqu’il s’agit de livrer un travail de réalisation bluffant de réalisme, et de rappeler combien le jeu de 2020 était, comme son aîné, un titre testament quasi parfait pour une machine en fin de vie qui méritait un tel joyau brut pour tirer sa révérence en beauté.

La loi des séries

Cependant, c’est très certainement parce qu’un projet connexe s’apprêtait à voir le jour que Naughty Dog a mis ses deux œuvres majeures sur un pied d’égalité. Avec une adaptation en série télévisée pour la chaîne HBO début 2023, The Last of Us s’ouvre à un nouveau public, à qui il était sans doute nécessaire de faire découvrir deux jeux vidéo de qualité égale sur le plan de la réalisation. Au vu de la qualité de ladite série, cela se comprend : encensée par la critique mais aussi les spectateurs, la première saison de The Last of Us est une immense réussite, portée par un duo d’acteurs formidable (Pedro Pascal et Bella Ramsey), et ne se contentant clairement pas de reprendre plan pour plan un jeu vidéo d’exception, après tout déjà très proche du cinéma.

Au terme de neuf épisodes intenses, sachant aussi bien adapter avec fidélité des séquences clés que se montrer innovant en prenant des risques aussi surprenants que payants, l’équipe menée par Craig Mazin (auteur de la série Chernobyl) et de… Neil Druckmann (tiens donc !), The Last of Us a trouvé un moyen plus qu’efficace de revenir sur le devant de la scène à l’approche de son dixième anniversaire. Plébiscité aussi bien par un public découvrant l’histoire fascinante de Joel et Ellie que des fans de la première heure, ravis de voir un jeu vidéo enfin adapté en “live-action” avec autant de talent, The Last of Us est plus vivant que jamais. On attend même probablement encore plus de voir de quelle manière “Part II” pourra être traité à la télévision… que l’annonce d’un potentiel troisième épisode à destination de la PS5. Et pourtant, nous en sommes quasi convaincus, il deviendrait de facto le jeu vidéo le plus attendu au monde après un certain GTA 6.

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S’il existe des œuvres ou des licences dont il serait pertinent de se demander ce qu’il en reste après 10 ans, ce n’est pas le cas de The Last of Us. Ce chef-d’œuvre unanimement salué en son temps n’a clairement pas souffert de l’image clivante de sa suite, il est vrai acclamée par une industrie qu’il a écrasée de tout son poids comme peu de grosses productions l’ont fait de la sorte avant lui. Mieux que ça : avec un remake aussi opportuniste que clinique, et une adaptation télévisée sensationnelle au point de rivaliser avec la qualité du jeu original, l’univers post-apocalyptique conçu par Naughty Dog est toujours aussi marquant, ceci d’autant plus que notre quotidien est passé par la réalité d’une pandémie le rendant encore plus effrayant et fascinant.

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